Une première mondiale : 1993 : je suis le premier à photographier le dugong dans son habitat naturel. Ouais ! Au Vanuatu.
Le dugong est le cousin d'eau de mer du lamentin. Le dugong est un gros mammifère sous-marin craintif, genre bonhomme Michelin. Je publie dans le monde entier.
Merci à Bertrand Loyer, Claude Michaud et Claire Garrigue.





Moi-même attaqué par un dugong. Remerciements à Claude Michaud, le cameraman RFO.


-Est-ce son grand sourire permanent, sa grosse tête, sa rareté ?

Le dugong, ou vache marine, a fasciné les amoureux de la mer pendant des siècles. Le dugong, ou encore "dugong dugon" fait parie de l’espèce des siréniens. Son cousin d’eau douce, plus connu, le lamantin, ainsi que la Rhytine de Steller, maintenant éteinte, en font aussi partie. Cette espèce, en voie de disparition, est peut-être à l’origine de la légende des sirènes. Le dugong est un mammifère et mange de l’herbe, d’ou son nom de vache marine. Mais en fait, il est plus proche de l’éléphant. D’après les biologistes, les dugongs et les éléphants ont des ancêtres communs. Les mammifères marins comprennent les cétacés (baleines et dauphins), les pinnipèdes (phoques et morses) et les siréniens. Tous les mammifères marins sont l’évolution de mammifères terrestres qui sont retournés vers la mer. Les phoques et les baleines dentées viennent des ancêtres des chiens, les baleines à fanons, des hippopotames et les siréniens des éléphants
         On trouve des dugongs en grands troupeaux en Australie et en petits troupeaux dans les eaux chaudes du monde, plus particulièrement dans l’Océan Indien, la Mer rouge, le Pacifique, entre les latitudes 30° nord et 30° sud. On trouve des lamantins dans les eaux douces des rivières et côtes tropicales et subtropicales des deux côtés de l’atlantique : floride, caraïbes, amazone et côte ouest de l’afrique.          Comme c’est un animal craintif qui vit principalement dans des eaux troubles, le dugong a été rarement photographié ou filmé.
         Une équipe française intrépide, deux cameramen (Claude Michaud et Bertrand Loyer) et un photographe, moi-même (Raphaël Christian Fournier), ont décidé de changer cela. Nous sommes en contact avec les experts du monde sur les dugongs : les docteurs Paul Anderson de l’université de Calgary, Canada et Helen March de l’université James Cook en Australie. Grâce à des sponsors sympathiques comme les compagnies aériennes Vanair et Aircalédonie International et la télévision française d’outre-mer RFO, l’expédition a pu avoir lieu.
         En Nouvelle Calédonie, le dugong n’est que partiellement protégé, puisque les tribus locales sont autorisées à les tuer pour se nourrir. Les raisons sont plus politiques que nutritionnelles : la France tient à son "empire" dans le pacifique et doit ménager les indigènes de Calédonie qui se sentent envahis et se révoltent de temps en temps contre cette "occupation". Mais la viande rouge du dugong est apparemment excellente.
         En face, au Vanuatu, état indépendant, le dugong est officiellement protégé, la loi y est stricte et appliquée par les pêcheurs locaux. Les dugongs y sont donc plus nombreux. Grâce à Pascale Joannot, biologiste marin et directrice de l’aquarium de Nouméa, ainsi que Claire Garrigue, scientifique à l’ "ORSTOM" et responsable du programme "lagon" de Nouméa, nous entendons les rapports de pilotes et de pêcheurs qui ont vu des dugongs entre les quelque 80 îles de l’archipel du Vanuatu.
         Le Vanuatu est situé à 5750 km au sud-ouest de Honululu, environ à mi-chemin entre Hawaii et l’Australie. Originairement les Nouvelles Hybrides, le Vanuatu devint indépendant de la France et l’Angleterre en 1980.
         Nous avons visité 3 îles : Epi, Espiritou Santo et Tanna. Les indigènes ont toujours été très aimables et très intrigués par nos équipements de plongées et de prise de vue. Le langage n’est pas un problème, car ils parlent Bislama, un mélange de Français et d’Anglais. Nous avons négocié des permissions spéciales pour pouvoir amener nos bouteilles d’air comprimé par avion (ce qui cause des problèmes de sécurité, à cause de la sous-pression) dans ces petites îles ou les compresseurs sont bien sûr inconnus. Epi et Espiritou Santo furent des échecs pour nos recherches de dugongs : nous avons transporté avec grand mal notre matériel sur des plages isolées, nous avons nagé et exploré en canoë, en vain, pendant des heures, de jours comme de nuit. Nous avons campé dans des mangroves infestées de moustiques. Rien. Ils sont devenus bien craintifs et ont bien appris à se cacher de l’homme, nos souriants siréniens.
         Nous avons eu de la chance à Tanna, une des îles les plus au sud. Tanna veut dire "la terre" en Bislama. Cette île a été découverte en 1774 par James Cook. Il n’y a pas de villes à Tanna, juste quelques groupes de huttes. Après avoir atterri sur une piste en herbe et déchargé notre équipement, nous allâmes à Port Résolution et prîmes contacte avec Ronnie Thomas, chef du village Yanbinan. Il y a de très fortes traditions tribales au Vanuatu. Les visiteurs doivent faire "la coutume" avec le chef pour obtenir la permission d’entrer dans le village. Des cadeaux de riz et de sucre pour les hommes, de tissus pour les femmes et de crayons pour les enfants nous ouvrent les portes. Nous obtenons la permission de nager avec "Le Dugong". "Le Dugong"!
         Nous apprenons par les Yanbinans qu’il y a quelques années (personne ne pouvait dire exactement quand car les Yanbinans n’ont pas de calendrier, le temps ne se mesure pas chez eux) un dugong et son petit sont entrés dans la baie. Les villageois ont harponné la mère (c’était avant les lois !) et gardé le tout petit comme un bébé, l’amenant de temps en temps dans leurs huttes ! La légende veut que le dugong harponné soit réapparu sous forme de rocher au centre du village. Oui, il y a un rocher, un peu ressemblant. Le petit dugong a beaucoup grandi et grossi et vit maintenant dans la baie. Il est un peu apprivoisé et vient au bruit du battement de l’eau par les enfants, vers un gros rocher, sauf quand il est trop occupé à jouer avec les tortues, de l’autre coté de la baie. Ce dugong doit maintenant avoir atteint la maturité sexuelle et n’a jamais vu d’autres dugongs depuis la perte de sa mère. Il a sans doute besoin de compagnons de jeu et de partenaires. Les Yanbinans adorent leur animal, qu’ils appellent "Ponta". Ils furent soulagés quand nous les informons que la durée de vie d’une vache marine est de 70 ans. Pourquoi ont-ils tué la mère, alors ? Sans doute pour la nourriture et l’exploit. Ils sont contents d’apprendre qu’un dugong apprivoisé est très rare. Mais ils ont entendu parler du projet d’un complexe hôtelier "Hotel Corail" à Port Resolution. "Punta" survivra-t-il ?


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